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  • Décès d’un fondateur du département de géographie de Vincennes–Paris 8 :

    Robert Fouet (1926-2016)

     

    Notre collègue, le géographe Robert Fouet est décédé le 27 octobre 2016 dans sa 91e année.

     

    Agrégé de Géographie, alors professeur en classe préparatoire aux Grandes écoles, il avait été choisi en été 1968 par Jean Dresch (†), correspondant de Edgar Faure (†) et du Doyen de la Sorbonne Raymond Las Vergnas (†) chargé par le Ministre de créer le Centre Universitaire Expérimental de Vincennes, pour faire partie, avec Jean Cabot (†), du noyau cooptant au titre de la discipline géographie de la seule entité universitaire complètement nouvelle issue de mai 1968. Il y a enseigné jusqu’à sa retraite à la fin des années 1980.

     

    Il est l’auteur de plusieurs Que Sais-je ? aux éditions PUF, sur les roches, les minerais, les montagnes, en collaboration avec le géologue Charles Pomerol. Ces ouvrages publiés à partir de 1952, traduits en plusieurs langues, réédités régulièrement jusqu’au début des années 1980 ont marqué des cohortes d’étudiants en France comme au Maghreb et dans les pays hispanophones. Ce volet « géographie physique » de son travail le fait qualifier de « minéralogiste » dans le catalogue de la BNF, qui n’en dit rien d’autre et montre combien les notices d’auteurs sont parfois trompeuses.

     

     

    L’autre volet de son travail scientifique est la géographie industrielle, domaine dans lequel il avait engagé une thèse de doctorat d’Etat sous la direction de Pierre George (†). De nombreuses communications et chapitres dans des ouvrages des décennies 1970 et 1980, difficiles à trouver aujourd’hui parce que dans des publications collectives qui ne répertorient pas les auteurs de chapitres mais seulement les éditeurs intellectuels, témoignent de l’acuité et du caractère novateur de sa réflexion méthodologique en un domaine difficile dont peu de chercheurs de ces années là, en géographie notamment, ont pu faire aboutir leurs travaux ; les secrets industriels étaient également des secrets géographiques 1. Fouet espérait pouvoir transgresser ces difficultés grâce à l’informatique alors naissante en Sciences humaines, et aux grandes bases de données qu’elle permettait de construire et d’analyser.

     

    Soucieux de former ses collègues à des pratiques importées en France par des chercheurs ayant effectué un stage aux USA ou au Canada, il a mis en place une formation des enseignants de géographie de Vincennes à l’utilisation de l’outil qui était alors fort loin d’être ergonomique et intuitif. Seuls existaient de gros ordinateurs dans certaines universités scientifiques et au CNRS. Pourtant, il y avait un département informatique à Vincennes, fondée comme Université du monde contemporain. Il fallait maîtriser la saisie de données encore par cartes perforées en général, et des commandes en FØRTRAN, le langage informatique alors le plus répandu. Les géographes les plus influents y furent alors très rétifs, y voyant une réalisation de « l’impérialisme américain » au détriment de la pensée.

     

    Grand pédagogue, contrairement à la plupart de ses collègues de l’enseignement supérieur qui traitaient principalement de leur spécialité dans leurs cours, il a beaucoup travaillé en collaboration avec de jeunes enseignants dans des Unités de valeur (UV) de formation à plusieurs voix pour un même groupe d’étudiants. Les préparations des séances de cours étaient minutieuses, nourries par de larges recherches bibliographiques, et parfois très politiques sans sembler à première vue toucher ce domaine : entre autres exemples, un cours de géographie de la France, en 1970, qui explorait toutes les manières de voir la question de la région et du découpage régional, dont celles produites par les géographes 2.

     

     

    Il a tenté d’inscrire des progressivités au sein de l’aimable choix libre d’UV pour chaque étudiant à Vincennes, avec des dossiers précis et argumentés en faveur de pré-requis de connaissances pour chacun des divers enseignements, âprement discutés lors des « collectifs », réunions hebdomadaires de l’ensemble du département.
    Il a été le premier à organiser une grande sortie de terrain pluri-thématique associant étudiants et enseignants de divers domaines, avec une perspective de collectif enseignement-recherche sur un programme concernant la région de Lagny-sur-Marne au sein de l’aménagement prévu de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée 3. Il a fallu attendre les années 1990 pour que de semblables initiatives soient renouvelées à Paris 8, mais réservées aux étudiants en fin de licence et sans programme de recherches associé.

     

    L’insertion de l’Université, et de l’analyse géographique, dans la vie locale fut pour lui une constante préoccupation.
    Une formation permanente des instituteurs a dès les débuts du Centre expérimental pris place à Vincennes, dont il était l’organisateur pour la géographie. Les participants étaient en poste dans le Val-de-Marne, département alors très récent 4 dans l’organisation de l’Ile-de-France. Avec et pour eux, il a créé une revue, Images du Val-de-Marne qui a vécu quelques années, assise sur l’Association Géographique d’Etudes et de Recherches sur le Val-de-Marne (AGER 94) dont le siège était à Créteil.
    Il a également créé et géré une formation permanente des Assistantes sociales du Val-de-Marne à laquelle il invitait à intervenir des géographes de Vincennes. 

     

     

    Il a participé à l’écriture de manuels de géographie de l’enseignement secondaire, et enseigné à l’Ecole Spéciale d’Architecture de Paris (ESA) sur des questions de population, d’urbanisme, d’étude des territoires, dont les polycopiés de l’époque sont encore consultables à la cartothèque du département de géographie de l’université de Paris 8. Il avait introduit l’analyse géographique et sociale dans la formation de ces spécialistes de la construction qu’étaient les architectes, anticipant ce que furent une petite dizaine d’années plus tard, les formations universitaires en urbanisme.

     

    Robert Fouet n’a jamais voulu se mettre en évidence. Très compétent, mais blasé et modeste, sa trace est à peine lisible. Il est vrai que l’essentiel de son travail précède la popularisation de l’internet. Mais il n’avait non plus jamais rempli de fiche personnelle pour l’Annuaire des géographes français, publication imprimée beaucoup plus ancienne. Il se comportait verbalement de manière ironique, mais avec des réflexions profondes qui n’avouaient jamais publiquement l’arrière plan trotskyste de sa jeunesse militante, depuis longtemps abandonnée pour le scepticisme critique qu’il affectait.

     

    Alain Bué ; Françoise Plet

    Anciens enseignants à Vincennes puis Paris 8.

     

    1-. Voir sur ce point : Autour de Raymond Guglielmo – Géographie et contestations, Centre de recherche sur les Espaces de vie (CREV), Université de Paris 8, 1991, 215 p.

     

    2- On se souviendra que la question de la région était pour une part dans le contenu du référendum perdu qui fit démissionner le Général de Gaulle de la Présidence de la République.

     

    3- L’établissement public d’aménagement a été créé en 1972, après une mission d’étude mise en place en 1969.

     

    4- 1964 pour le décret de création ; 1967 pour l’élection du premier Conseil général. Le bois de Vincennes, où était située l’Université, est une enclave parisienne dans ce département.

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